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voir jouer. C’est ce que nous avons pu constater avec AlphaZero qui a in fluencé jusqu’au n°1 Magnus Carlsen. De très forts joueurs, dont Magnus Carlsen, promeuvent les cadences rapides et le Random Chess (ou Chess960), estimant qu’ils sont le futur des échecs. Les échecs à cadence lente sont-ils en danger ? Je ne le pense pas. Même si les compé titions à la cadence rapide sont plus faciles à diffuser, les échecs classiques ne disparaîtront pas. Certains tournois classiques continueront à exister, comme la Sinquefield Cup, le Norway Chess ou Wijk Aan Zee. Il existe aussi une très forte tradition des matchs de championnat du monde. Des centaines de tournois classiques sont organisés dans le monde entier. La plus grande question est de savoir où iront les échecs sans Magnus. Je pense que Carlsen arrêtera un jour de jouer à la cadence classique. Les tournois à cadence lente trouveront-ils toujours des sponsors sans Carlsen ? Ce sera difficile, mais il n’appartient qu’aux nouvelles stars, Gukesh, Erigaisi, Abdusattorov ou Keymer de prendre la suite. g UN MOT SUR L’AUTEUR J ournaliste néerlandais spécialiste des échecs et lui-même joueur de bon niveau (2150 Elo), avec un pic proche des 2300 et deux normes de MI, Peter Doggers, 49 ans, s’est révélé au grand public grâce à son blog Chessvibes, fondé en 2007. Il fut l’un des tout premiers vloggers d’échecs, publiant des vidéos des joueurs pendant les tournois inter nationaux. Recruté par Chess.com en 2013, il devient Directeur des Événements et de l’Information du groupe. L’an dernier, redevenu indépendant, il a travaillé à l’écri ture de son livre dont l’idée a germé après le scandale Niemann Carlsen au tournoi de Saint-Louis, en septembre 2022. Conseillé par un agent international d’Amster dam, il a envoyé une offre à des centaines d’éditeurs du monde entier. Un éditeur suédois, amateur d’échecs, s’est le premier montré intéressé. Six mois plus tard, le livre était publié en anglais sous le titre The Chess Revolution . Il l’est maintenant en France grâce aux éditions Buchet-Chastel. Son ouvrage est désormais disponible en huit langues. g

© D.R.

Peter Doggers a présenté son ouvrage au club parisien de la Tour Blanche, mercredi 8 janvier.

sance des échecs est devenue universelle. N’est-ce pas là la plus grande révolution ? Si, absolument. Le numérique a révo lutionné la façon d’apprendre à jouer aux échecs. Des personnes d’horizons différents disposent des mêmes outils. Il n’est plus forcément nécessaire d’avoir de l’argent pour réussir. Il n’y a pas de limites pour devenir un bon joueur. C’est l’une des raisons pour lesquelles tant de jeunes deviennent très bons, comme l’Argentin Faustino Oro (11 ans, 2433 Elo), Bodhana Sivanandan en Angleterre (9 ans, 2055 Elo), Ediz Gurel en Turquie (2624 Elo à 16 ans !)... Nous avons davantage de jeunes prodiges que par le passé. Au haut niveau, les échecs deviennent un test de mémoire. Cela change-t-il la nature du jeu ? Oui, c’est vrai. On assiste parfois des parties de haut niveau où tous les coups sont issus de l’ordinateur. Mais on découvre aussi qu’il est possible de jouer beaucoup plus d’ouvertures que nous le pensions. Lors du dernier championnat du monde rapide, un jeune Américain, Brandon Jacobson a, par exemple, joué 1.a4 contre Nakamura... et il a gagné la partie. Mikhail Tal disait craindre la mort des échecs avec les ordinateurs, il avait en partie tort. Les échecs l’illustrent très bien, l’ordinateur peut aider les joueurs à devenir plus créatifs, avec des idées qu’aucun humain n’aurait pensé pou

streamers d’émerger. Même les sœurs Botez ne diffusent plus beaucoup en streaming. La moitié des gens regardent Levy Rozman ou Nakamura, il est difficile pour les autres de percer. Mais il est possible de voir des streamers réussir dans leur propre langue, comme Kévin Bordi en France, Anna-Maja Kazarian aux Pays-Bas, Krikor Mekhitarian au Brésil, ou Georgios Souleidis en Allemagne. Bobby Fischer a appris à jouer aux échecs seul avec des livres et des magazines spé cialisés. À l’ère du numérique, la connais Les échecs classiques ne disparaî tront pas. Certains tournois clas siques continueront à exister, comme la Sinquefield Cup, le Norway Chess ou Wijk Aan Zee. Il existe aussi une très forte tradi tion des matchs de championnat du monde. La plus grande question est de savoir où iront les échecs sans Magnus. Peter Doggers

P ROPOS RECUEILLIS PAR C HRISTOPHE G ATTUSO

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