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VLADIMIR ET LE FREESTYLE : “C’EST UNE AUTRE FORME D’ÉCHECS, PAR ESSENCE”

C’est pourquoi je suis spécialement satisfait d’avoir pu jouer avec beau coup d’énergie face à Wei Yi à la der nière ronde. À un moment donné, j’étais sous pression et j’ai trouvé le seul coup pour annuler, ce qui veut dire que j’avais les idées claires (0,5-0,5 en 66 coups). C’était très important pour moi de savoir que je pouvais encore me battre et voir de la tactique à la fin d’un tournoi aussi long et si dur. À la veille de tes 30 ans tu as battu ton record Elo à 2733 qui datait de 2017. Comment expliques-tu cette nouvelle progression ? Dans l’absolu, j’avais atteint un classe ment à 2741, mais c’était « virtuelle ment » lors d’un tournoi en 2017. Si j’ai à nouveau progressé, ces derniers temps, c’est grâce à l’expérience que j’ai accumulée durant toutes ces années. J’ai changé pas mal de choses dans mon entourage. Mon équipe de secondants n’est plus la même depuis que je vis en Europe. J’ai changé de routine et j’ai eu la chance de pouvoir m’entourer de grands joueurs. Pour le dire autrement, j’ai dû quitter ma zone de confort et cela m’a permis d’amé liorer ma discipline de travail. J’étais fort à toutes les cadences depuis près de dix ans, mais mes échecs classiques étaient instables. C’est sur ça que je me suis concentré. Je sentais que je n’ex primais pas toutes mes capacités. Cela m’a pris du temps. Aujourd’hui, les résultats sont là et je ne suis plus très loin de devenir un top joueur en parties longues. C’est ce qui me fait le plus plaisir. Ma carrière évolue dans le bon sens. Bien figurer dans ce Masters était une étape importante. J’ignore si j’ob tiendrai d’autres invitations dans les grands tournois, mais j’espère pouvoir à nouveau démontrer mes progrès. Ta performance à Wijk aan Zee et ton invi tation à Weissenhaus sont-ils un motif d’espoir pour les GMI qui oscillent autour des 2700 et ne reçoivent pas ce type d’in vitations ? J’espère que mon exemple servira à d’autres joueurs qui méritent eux aussi une chance de montrer leurs capacités à ce niveau. Je pense avoir montré que je pouvais rivaliser avec les meilleurs du monde en classiques. Je l’avais déjà fait en Chess960, mais j’ai également montré que je peux bien jouer en rapides et en blitz, sur l’échiquier et en ligne. C’était très important pour moi de bien honorer cette invitation dans le Masters. Mon niveau de jeu est resté très décent. J’ai prouvé que je pouvais lutter d’égal à égal avec eux. J’ai battu Erigaisi, Caruana et Keymer. J’ai même cru que je pouvais gagner le tournoi après ma victoire de la 9 e ronde contre Harikrishna. g

Au lendemain du Tata Steel, le Slovène a participé à la 1 re étape du Freestyle Chess Grand Slam Tour, à Weissenhaus. Il apprécie la formule et s’était notam ment illustré en se classant 5 e du championnat du monde FIDE de Chess960 en 2022. Il avait battu Wesley So en match pour la 5 e place (3-1), après avoir été éliminé par Magnus Carlsen en quart de finale (1,5-0,5). Que représente le Freestyle pour toi ? C’est un spectacle qui peut être diver tissant pour les joueurs et le public, mais je doute que ce soit la formule la plus appropriée pour les profession nels. Je ne crois pas non plus qu’il puisse avoir une audience comparable aux échecs classiques. Quelles sont les qualités pour bien y jouer ? Il faut savoir bien naviguer dans les complications. Elles peuvent survenir dès le début. Le jeu est clairement plus dynamique et les positions sont très complexes. Il y a beaucoup plus de possibilités tactiques. Il faut rester très concentré. Il n’y a pas vraiment de jeu positionnel et on ne peut pas prévoir de stratégie. C’est ce qui est difficile à gérer. L’objectif, c’est d’obtenir un avantage dynamique. C’est comme ça que se fait la décision dans la plupart des parties. Ce qui veut dire que le Freestyle est plus créatif que les échecs classiques, car il n’y a pas de théorie ? En classiques, tout le monde peut jouer les ouvertures de manière décente. Il y a des bases théoriques et on « récite » les coups que l’on connaît. C’est ce qui différencie le Freestyle. On peut très vite se noyer. Évidemment, on peut toujours essayer de se préparer sur les 960 positions de départ. Dans l’absolu, c’est possible, mais je ne crois que les joueurs le fassent. Ils travaillent sans doute certaines d’entre elles, pour se familiariser encore plus avec la formule. Ils veulent savoir quelles sont les idées fondamentales dans certaines posi tions, mais pas plus. Je crois plutôt qu’ils misent sur leur compréhension Oui, c’est extrêmement important. De nombreux joueurs qui disputent ce cycle ont déjà joué souvent au Chess960 à Saint-Louis, aux États-Unis. C’est évi demment un avantage. du jeu et leur créativité. L’expérience est un atout...

© LENNART OOTES / FREESTYLE GRAND SLAM TOUR. Vladimir Fedoseev à Weissenhaus.

La chance n’intervient pas en classiques. Au Freestyle, les positions sont tirées au sort, ce qui peut favoriser des joueurs qui les ont déjà pratiquées, n’est-ce pas ? Je suis tout à fait d’accord. Je dirais même que la chance intervient énormé ment, et pas seulement dans le tirage au sort. C’est un esprit totalement différent. On tend des pièges dès le début, ce qui est quasiment impossible en classiques. Est-ce que notre adver saire tombera dedans ? Le jeu est plus excitant, mais c’est une autre forme d’échecs, par essence. Que représente ce cycle du Grand Chelem, pour toi ? Je suis content d’avoir été invité, bien sûr. J’aime jouer au Chess960 et il y a beaucoup d’argent en jeu, ce qui rend ces tournois encore plus attrayants. Je peux affronter les meilleurs joueurs du monde, c’est une chance. C’est juste dommage que le calendrier soit tombé comme ça. J’avais dépensé beaucoup d’énergie au Tata Steel. La transition entre les deux tournois n’a pas été facile. J’étais d’ailleurs prêt à assumer mentalement le fait que je puisse mal jouer la 1 re étape (9 e en rapides, éli miné en quarts de finale par Levon Aronian). Parfois, on s’engage dans la mauvaise direction. Quand on s’en aperçoit, on ne peut plus revenir en arrière. C’est ce qui m’est arrivé le premier jour dans mes parties rapides en Allemagne. C’est dommage d’avoir raté la 1 re étape. Ce sera dur pour moi de revenir au classement. g

P ROPOS RECUEILLIS PAR J EAN -M ICHEL P ÉCHINÉ

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